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Comprendre la permaculture

Les principes éthiques de la permaculture

Les principes éthiques de la permaculture

La nature, l’humain et le partage au coeur de notre philosophie

par Ovega

L’éthique est au cœur de la démarche de la permaculture : toute démarche de conception doit être basée sur des valeurs. De ces valeurs vont dépendre les objectifs à atteindre, les effets primaires et secondaires attendus et tolérés.

Ces principes sont des contraintes, des mécanismes culturels qui servent à tempérer nos instincts primaires de façon à réduire les agissements individualistes. Notre société n’a jamais été aussi puissante, du fait de l’énergie dont elle dispose (énergies fossiles, nucléaire, renouvelables, etc.). L’utilisation de cette énergie rend possible de nombreux exploits et de nombreuses erreurs. Les principes éthiques nous aident alors à :

  • Mieux comprendre les intérêts personnels de chacun (les « je » présents) ;
  • Mieux appréhender la notion de société, de communauté (le « nous » présent) ;
  • Mieux percevoir les répercussions à long terme de nos actions (les « je » et le « nous » futurs) ;

Trois grands principes ont émergé au cours de l’histoire de la permaculture : prendre soin de la terre, prendre soin de l’humain, et partager équitablement.

Prendre soin de la terre

La Terre est une entité qui vit et qui respire. Il faut lui porter continuellement soins et attention si l’on veut éviter des conséquences graves.

Extrait de David Holmgren par Permaculture Principles

Ce principe éthique regroupe deux aspects différents : prendre soin de nos sols d’abord (la terre au sens propre), mais aussi prendre soin de tous les êtres vivants que ces sols abritent (et par extension, tous les animaux aquatiques évidemment).

Prendre soin de nos sols

Nous avons de solides raisons scientifiques et historiques de considérer l’état de nos sols comme la mesure la plus fiable de la santé et du bien-être futurs d’une société. Comment prendre soin du sol ? Voici une question épineuse. À ces aspects techniques s’en ajoutent d’autres, éthiques, car nous ignorons dans quelle mesure nous pouvons accroître la capacité des sols à subvenir aux besoins de la nature et à ceux des humains. 

David Holmgren – Permaculture

Le sol est le reflet de notre société : c’est pour cela qu’au jardin, les permaculteurs s’efforcent de le respecter, ne pas trop le travailler, le pailler, etc. Un sol riche et rempli de vie permettra de subvenir aux besoins des être vivants qui en dépendent (nous y compris !). Un bon système de permaculture doit prendre ce point en compte et agir en conséquence.

Prendre soin des êtres vivants

La gestion du sol uniquement ne suffit pas, il faut également respecter les êtres vivants de nos écosystèmes. Tous les êtres vivants sans exception, y compris ceux qui nous semblent le moins utiles (voir même nuisibles).

Nous considérons que toutes les formes de vie et espèces ont une valeur intrinsèque, quels que soient leurs inconvénients, pour nous ou pour d’autres formes de vie importantes à nos yeux. Nous réduisons notre impact environnemental total, meilleur moyen selon nous de prendre soin de tout ce qui est vivant sans qu’il soit nécessaire de comprendre les nombreux impacts de chaque action individuelle, de les contrôler ou d’en endosser la responsabilité. Lorsque nous maltraitons une forme de vie ou que nous la tuons, nous le faisons toujours en conscience et avec respect ; ne pas utiliser ce qu’on tue constitue la forme suprême du mépris. 

David Holmgren, Permaculture

Prendre soin de l’humain

Après le soin porté à l’environnement vient le soin porté aux individus. La permaculture est une philosophie qui porte fièrement ses valeurs sociales et place les besoins humains au cœur de ses préoccupations. Ce pilier éthique se décompose à son tour en deux aspects complémentaires : prendre soin de soi et prendre soin des autres.

Bien qu’évidente, cette démarche est souvent oubliée : commençons par bien nous connaître, prendre soin de nous. Nous pouvons ensuite élargir le rayon de nos préoccupations de façon graduelle : mon quartier, ma ville, mon pays, etc.

Prendre soin de moi

Le voyage humain que propose la permaculture commence par soi-même : apprenons à nous connaître.

  • Faire la liste de nos richesses. Nous sommes remplis de talents, faisons-en la liste. Il s’agit de bien avoir conscience de toutes nos ressources : ce que j’aime faire, ce que je sais bien faire (talents naturels ou travaillés), mon savoir-être, mes savoir-faire, etc. Ne nous focalisons pas sur ce que les autres attendent de nous, mais bien sur ce qui, d’après nous, fait notre force. Comme le disait Albert Einstein, « Si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide« .
  • Faire la liste de nos besoins. Savons-nous tous répondre à la question suivante : « De quoi ai-je besoin pour me sentir bien ? ». La réponse à cette question n’est souvent pas évidente : prenons le temps de nous la poser sincèrement. Les réponses peuvent venir rapidement comme elles peuvent venir dans la durée, peu importe ! À chacun de découvrir ce qu’il lui faut pour une vie accomplie : de la stabilité, ou au contraire de la découverte et du mouvement ? De la compagnie ou un moment seul ? Ces besoins sont amenés à changer, il faut rester à leur écoute et se questionner régulièrement.

Ces réflexions facilitent le parcours vers l’autosuffisance, qui sera d’autant plus simple à atteindre que nous nous concentrerons sur notre bien-être immatériel (et celui des autres) sans consommer plus de biens matériels que nécessaire.

Prendre soin des autres

Une fois que le travail d’introspection est terminé, il convient de réfléchir à notre intégration dans le tissu social. Quels sont les besoins des autres ? De mon quartier ? De ma ville ? La permaculture traite en priorité les besoins locaux, dans un objectif d’économie énergétique et afin de trouver les solutions les plus pertinentes à chaque besoin.

Prendre soin des autres, c’est tout d’abord communiquer ensemble avec efficacité. Il existe de nombreuses techniques de communication non violente ou encore de gouvernance partagée qui peuvent faciliter le vivre-ensemble, mais un point est particulièrement important : la responsabilité personnelle.

Il faut apprendre à accepter d’être personnellement responsable de la situation dans laquelle nous sommes, au lieu de considérer que des forces et influences extérieures contrôlent nos vies. Cela vaut également dans nos échanges quotidiens : accepter notre part de responsabilité en toutes circonstances pour éviter les conflits et favoriser le travail de groupe.

Partager équitablement

Si les deux premiers piliers éthiques font globalement l’unanimité entre les adeptes de la permaculture, les principes suivants varient d’une interprétation à l’autre. Chez Ovega, nous aimons la version de David Holmgren basée sur le partage en tant que troisième pilier éthique.

Tout système de permaculture crée une production utile (nous renvoyons le lecteur au Principe de Conception n°3). Cette production, par définition, doit subvenir à nos besoins et générera probablement des excédents (plutôt que de risquer de ne pas réussir à satisfaire nos besoins).

Que faire alors de ces surplus ? Le dernier pilier éthique de la permaculture introduit la notion de partage équitable des ressources. Servez-vous à hauteur de vos besoins et partagez le reste avec d’autres personnes.

Savoir partager, c’est également accepter que la nature prenne sa part. Votre jardin nourricier abrite de nombreux êtres vivants qui font partie d’un écosystème en équilibre. De cet équilibre naît votre récolte : acceptez d’en reverser une petite partie à tous ces êtres vivants qui la rend possible (oiseaux, limaces, etc.).

Bien que simple dans sa formulation, il s’agit du principe éthique le plus difficile à mettre en oeuvre, du fait de la difficulté à définir les limites de nos besoins. À partir de quand considère-t-on que la production est un surplus à partager : après les besoins vitaux uniquement ? Comment placer et détecter le seuil du « suffisant » ?

Le sens des limites naît de la connaissance approfondie du fonctionnement de notre monde. Fixer des limites à la consommation et à la démographie implique que nous déterminions ce qui est suffisant, et que parfois, nous prenions des décisions difficiles. Mais lorsque nous acceptons notre condition de mortels et le caractère limité de notre pouvoir, l’instauration des limites personnelles prend la forme d’un marché raisonnable conclu avec le monde. En pratiquant l’autolimitation, nous évitons que des forces extérieures nous obligent à changer, et nous préservons notre autonomie et la maîtrise que nous avons de nous-mêmes.(…)

L’épineux problème de la croissance démographique suscite de son côté des prises de position très contrastées. La planète est sans doute déjà trop peuplée pour que le bien-être à long terme de l’humanité et des autres espèces soit assuré.(…)

La redistribution du surplus nécessite que nous partagions les ressources excédentaires afin d’aider la Terre et les autres humains, au-delà du cercle de nos influences et responsabilités immédiates. Comment distribuer notre surplus de temps, de ressources et de richesses ? Cette question est existentielle pour un grand nombre d’habitants relativement riches sur cette planète. Cela se fait pas non plus via des institutions telles que l’Eglise, mais via des programmes d’aide au développement, des actions sociales, des associations, etc.

David Holmgren, Permaculture

Des principes éthiques aux principes de conception

Ensemble, ces trois principes éthiques forment un système de valeurs qui permettent de bâtir des systèmes durables et équitables : ils constituent les fondations de la permaculture. Les 12 principes de conception se basent sur cette éthique et proposent une méthode d’analyse et de résolution des problèmes qui permet de mener tous vos projets dans une démarche de permaculture.


Lectures complémentaires :

La permaculture humaine – Les fermes d’avenir

Permaculture, par David Holmgren