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Aquaculture Multitrophique Intégrée

Conception d’écosystèmes marins : l’Aquaculture Multitrophique Intégrée

Une méthode de conception d’écosystèmes pour produire poissons, algues et coquillages en s’inspirant de la nature

par Ovega

Poissons, crustacés, coquillages et même algues : nous consommons toujours plus de produits issus de la mer. Afin d’éviter la surpêche, l’aquaculture intensive s’est fortement développée depuis 50 ans. En 2016 plus de la moitié des produits marins étaient issus de cette méthode de production. A-t-on ainsi réglé les problèmes de surpêche ? En partie seulement, et bien que nous ayons réussi à diminuer les problèmes de surpêche, d’autres problèmes sont apparus : destruction des habitats, diminution de la qualité de l’eau, disparition des mangroves…

Ces problèmes viennent de la pression exercée par l’aquaculture sur le milieu : la concentration d’une espèce génère des déchets que l’environnement n’est pas capable d’assimiler. Concrètement, lorsque des poissons sont nourris, leurs déjections tombent sur le plancher marin et se dissolvent dans l’eau. Dans la nature, les coquillages nettoient le plancher marin et les algues consomment les éléments dissous. Dans l’aquaculture intensive, il y a trop de déjections et la qualité de l’environnement finit par se dégrader.

C’est là que l’aquaculture multitrophique intégrée apparaît. Derrière ce nom barbare se cache une méthode de production bien connue des permaculteurs : la reproduction d’un écosystème avec des espèces complémentaires. Au lieu de laisser l’environnement se débrouiller seul pour traiter les déjections, on vient l’aider en ajoutant des coquillages et des crustacés sous les poissons afin qu’ils consomment le trop-plein de matière organique. Pour traiter les matières dissoutes, on ajoute des algues qui s’en nourrissent autour des poissons. On recrée ainsi le fonctionnement d’un écosystème équilibré normal dans lequel la nourriture des uns sont les déchets des autres !

Voici un exemple d’écosystème envisagé et étudié à l’Institut Paul Ricard. L’aquaculteur nourrit les poissons dont les déjections nourrissent en partie des oursins et des moules. Les vers marins absorbent les petites particules organiques que les oursins et les moules laissent passer et les algues consomment la partie inorganique des déjections de tous les animaux de l’écosystème. De cette manière, l’Institut arrive à maintenir et stabiliser la qualité de l’eau dans le temps.

Schéma d’un écosystème étudié à l’Institut Paul Ricard.

En pratique, l’entreprise Symbiomer en Bretagne utilise ces concepts avec des truites, des coquilles Saint-Jacques et des algues qu’ils produisent à destination de l’industrie cosmétique. Ils ont pu démontrer que leur modèle de production était durable écologiquement mais aussi économiquement ! Tout est expliqué dans cette vidéo 👇

Comme le précisent les dirigeants de Symbiomer, il est préférable de concevoir les écosystèmes avec des espèces locales afin de réduire les risques d’augmentation de la pression sur l’environnement qui a lieu lorsqu’une espèce en culture parvient à s’échapper. C’est pour cela que de nombreuses recherches sont en cours, notamment au Canada, afin de concevoir des écosystèmes centrés autour des poissons les plus consommés comme le saumon ou la truite en n’employant que des espèces endémiques à une région donnée. Cela permet de réduire les risques d’introduire une nouvelle espèce dans un environnement stabilisé en réduisant le nombre d’ « espèces étrangères » employées. 


Cet exemple nous montre que les principes de la permaculture peuvent s’appliquer dans des domaines très différents du jardin ou du maraîchage. L’aquaculture multitrophique intégrée répond aux principes d’observation de la nature, de création de production, de valorisation des déchets, d’intégration des éléments en faveur des synergies et d’accroissement de la biodiversité, le tout en s’inspirant de la nature ! Même si un aquaculteur ne se réclame pas de la permaculture, on peut voir que les liens avec ce mouvement sont nombreux.