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L’électroculture

L’électroculture au potager : une alternative aux engrais ?

De temps en temps, on voit passer un article ou une vidéo sur l’électroculture, une technique utilisée au potager comme alternative aux engrais et aux pesticides pour augmenter les rendements des plantes.

Mais c’est sujet controversé.

Alors qu’en est-il ? La fée électrique peut-elle nous sauver de l’industrie chimique ?

Un peu d’histoire

Les débuts de l’électroculture remontent au milieu du 18e siècle et font suite à une observation : après les orages, les plantes semblent croitre davantage. L’électricité n’est pas encore un phénomène bien compris mais des expériences commencent à être effectuées par des pionniers tels le Dr. Maimbray en Angleterre ou l’abbé Pierre Bertholon en France qui inventa l’électrovégétomètre en 1783.

Pendant tout le 19e siècle et le début du 20e siècle, de nombreux scientifiques se penchent sur le sujet et proposent de multiples expériences semblant mettre en évidence l’influence de l’électricité sur la croissance des plantes. En 1912, un congrès international d’électroculture est même organisé à Riems et le Ministère anglais de l’Agriculture crée un comité sur l’électroculture en 1918 !

Entre la fin des années 1800 et le début du 20e siècle, on est persuadés que l’électroculture permettra de produire des fruits et légumes géants en toute saison, sans se soucier des ravageurs.

Cependant, les résultats sont inconstants et ne génèrent pas de réelle rentabilité économique donc lorsque l’industrie chimique développe des produits phytosanitaires qui ont le mérite de produire des résultats constants, cette technique tombe peu à peu dans l’oublie.

Ainsi, jusque dans les années 80, rares sont les jardiniers utilisant l’électroculture.

Mais avec la naissance de la permaculture et de l’agriculture biologique, l’idée de cultiver sans engrais ni pesticides artificiels refait surface. C’est alors que de nouvelles études commencent à être effectuées à l’image de la thèse soutenue par Martine Queyrel à l’université de Limoge en 1984.

Cependant, l’engouement autour de l’électricité n’est plus le même qu’au siècle précédent. Les études ont des protocoles plus aboutis et soumis à moins de biais qu’auparavant.. et elles montrent des résultats intéressants mais nuancés. La nuance se situe notamment sur le type de système utilisé.

Distinction entre système actif et système passif

Pour des raisons historiques, la majorité des jardiniers utilisent des systèmes d’électroculture dits « passifs ». Ce sont des systèmes cherchant à utiliser le champs électrique naturellement présent dans le sol, dans l’atmosphère et entre les deux milieux. Ils ne sont pas reliés à une source d’énergie électrique mais peuvent générer des courants électriques faibles à proximité des plantes grâce à la différence de potentiel électrique entre le sol et l’atmosphère.

On y retrouve des systèmes tels que des boucles métalliques, des antennes ou des pyramides faites de baguettes en cuivre.

D’un autre côté, il existe des systèmes « actifs » générant un champs électrique important, à l’image des câbles électriques haute tension par exemple. Ces systèmes consomment de l’énergie mais permettent de générer de champs électriques importants, et ce sont eux eux qui sont principalement étudiés aujourd’hui.

En 2018, l’Académie des Sciences et de l’Agriculture chinoise a présenté les résultats d’une importante étude réalisée sur 3600 hectares de serres pendant 30 ans : de quoi obtenir des résultats significatifs 😊

Ils ont mis des pointes de cuivre à 3m du sol dans lesquelles la charge pouvait atteindre 50000V : cela génère un champs électrique 3 fois supérieure à la limite légale dans les foyers français (5000V/m). Avec ce système, ils estiment avoir augmenté leurs rendements de 20 à 30% et réduit l’utilisation des pesticides de 70 à 100% !

Mais où est la controverse ?

Elle a lieu au sein de la confusion entre les rendements démontré avec les systèmes actifs (à l’image de la Chine) et l’utilisation de systèmes passifs.

Beaucoup de blogs et de vidéos présentent des systèmes passifs permettant d’avoir des productions incroyables grâce à l’électroculture. Mais lorsqu’on cherche à tester ces systèmes à l’aide de protocoles éliminant au maximum les biais (qualité du sol, ensoleillement, arrosage…), les résultats ne sont pas aussi probant. Et on n’est pas toujours en mesure de savoir si l’augmentation de rendement vient de l’électroculture ou d’un autre facteur.

Le système le plus étudié, un pieux de cuivre planté dans la terre et lié à une grille verticale dans le sol servant à créer un courant près des racines pour les stimuler, présente des améliorations significatives de rendement. Mais il attire une très grande quantité de vers de terre qui améliorent la qualité du sol.

Est-ce qu’il faut attribuer à l’électroculture la présence de vers de terre ? À priori, oui. Mais la grille dans le sol pourrait protéger les vers de leur prédateurs par le simple fait qu’ils sont trop grands pour traverser la maille… Alors est-ce qu’il suffirait de planter une grille dans le sol pour améliorer ses rendements ?

Pour l’instant, la réponse n’est pas claire : il faut encore expérimenter !

La société nationale d’horticulture de France a pris position et estime que l’électroculture, avec un système passif, ne fonctionne pas. C’est également la position de l’AFIS (l’Agence Française pour l’Information Scientifique) qui indique que l’électroculture sans source électrique artificielle « ne s’inscrit dans aucun mécanisme scientifique plausible ».

Malgré tout, ce n’est pas parce que « l’électroculture passive » ne fonctionne pas que les systèmes utilisés ne permettent pas d’augmenter les rendements ! Dans notre exemple précédent, le système attire des vers de terre qui améliorent le sol, et par conséquent les cultures. Que ce soit dû ou non à un micro-courant dans le sol n’a pas vraiment d’importance pour un jardinier : l’important c’est que les plantes poussent mieux ! Et il semble bien que ce soit le cas 😉

Par contre, certains dispositifs à l’image de la « boucle de Lakhovsky » (une boucle de cuivre encerclant la plante) n’ont pas d’effets particuliers lorsqu’ils sont étudiés sérieusement, et ne reposent sur rien. Malgré tout , nombreux sont ceux qui continuent de les promouvoir. C’est dommage car cela nuit à la réputation de la technique de manière générale et contribue à limiter l’attrait des chercheurs qui pourraient étudier l’électroculture et trouver des alternatives aux produits phytosanitaires.

En résumé

En résumé, l’électroculture n’a pas fini de créer du débat dans le monde du jardinage et de l’agriculture. Si sa version active utilisant des champs électriques intenses semble démontré, les systèmes passifs utilisés par les particuliers n’ont pas encore fait leur preuve malgré quelques résultats encourageants.

Il est donc temps d’expérimenter !

Si le sujet t’intéresse, n’hésite pas à suivre les différents liens disséminés dans l’article : tu vas découvrir que l’électroculture est un champs très vaste et passionnant ! Ici, on ne fait qu’effleurer la surface de cette discipline qui mériterait d’être davantage étudiée au vu du potentiel bénéfice qu’elle peut avoir, notamment concernant l’usage (ou le non-usage) des pesticides.